Réagir avant la saisie de la paie de lait
Damien : céréales (arrêt des vaches laitières)

"Je me suis installé il y a quelques années en GAEC. Suite à une mésentente entre associés, celui-ci a été dissous en 2008. J'ai alors racheté les parts de l'associé, avec un projet de mise aux normes déjà lancé. Comme vous le savez, en 2009 : chute du prix du lait, ce qui a entrainé des retards de paiement des emprunts en cours...

La banque ne m'a pas suivi pour financer la dernière tranche de la mise aux normes et ça a été la descente aux enfers : un artisan s'est fait payer directement sur l'intégralité de la paye de lait. Je n'ai donc plus eu de trésorerie pour faire tourner l'atelier lait. 

On a entendu parler de Solidarité Paysans par des connaissances. Après un premier coup de téléphone, le rendez-vous a été fixé début novembre 2010. Suite aux conseils de l'association, nous avons fait une demande d'ouverture de redressement judiciaire, qui a eu lieu la veille de mon anniversaire ! Le plus dur, c'est lorsqu'on explique aux créanciers qu'on n'a pas le droit de les payer : certains réagissent mal, d'autre nous disent « bon courage ». C'est là qu'on se rend compte que parfois, les voisins les plus proches sont les premiers rapaces terriens !

Au bout d'un an de période d'observation, en principe on doit retrouver de la trésorerie parce que les dettes sont gelées. Sauf pour moi : les payes de lait sont toujours prélevées par l'artisan. Heureusement, la laiterie nous a fait un prêt : elle a remboursé l'artisan et prélevait 20 % de la paye de lait. Mais le mal était fait. Il fallait quand même présenter une proposition de plan de redressement. Ouf ! Le mandataire et le tribunal de grande instance ont accepté. Finalement, le tribunal ça fait peur, mais ce sont des humains !

A cause de nos problèmes de trésorerie, le lait par vache avait beaucoup baissé. N'arrivant pas à faire remonter le niveau d'étable, et au prix du lait qui se maintenait bas, la décision d'arrêter la production laitière a été prise en décembre 2012. Je ne voulais plus voir les vaches ! Pourtant, pendant les quinze jours suivants, la petite horloge de la traite sonnait en moi, comme une habitude …

Aujourd'hui, tout est en cultures, je suis à la recherche d'une seconde activité à l'extérieur ou sur l'exploitation. Notre plus grand regret, c'est d'avoir attendu aussi longtemps avant de faire le redressement. Il aurait fallu réagir avant que la paye de lait soit saisie. N'oubliez jamais qu'il n'y a pas d'issue fatale : il y a toujours une solution pour s'en sortir. »