Rapport et recommandations "L'injuste prix de notre alimentation, quels couts pour la société et la planète ?"

Ce rapport, porté par Le Secours Catholique, le réseau Civam, Solidarité Paysans et la Fédération Française des Diabétiques, démontre que notre système agricole et alimentaire génère des impacts économiques, sanitaires et environnementaux dramatiques. L'argent public qui lui est consacré n'est aujourd'hui pas alloué de manière pertinente au regard de ces enjeux.

Au travers de nombreuses pistes d'action concrètes, le collectif souhaite donner à tous l'opportunité de se saisir de ce sujet vital afin de revoir dans son intégralité un contrat social aujourd'hui caduque.

Le 17 septembre 2024, à Paris - Faisant le triple constat que notre modèle alimentaire actuel pousse à la dégradation des conditions de vie des personnes, à la détérioration croissante de la santé publique et des écosystèmes dont nous dépendons, le Secours Catholique, le réseau Civam, Solidarité Paysans et la Fédération Française des Diabétiques présentent aujourd'hui un rapport chiffré et enrichi de nombreux témoignages de terrain : “L'injuste prix de notre alimentation - Quels coûts pour la société et la planète ?”.

Les quatre organisations y dénoncent un système qui bloque structurellement la résolution de la triple équation de l'accessibilité sociale, de la durabilité de notre alimentation et de la juste rémunération des producteurs. Elles démontrent notamment que le prix que l'on paie pour se nourrir ne reflète en aucune manière les coûts pour la société, et invitent à repenser en profondeur notre système alimentaire ainsi que la façon dont il est soutenu, notamment par les pouvoirs publics.
Les quatre associations pointent 30 pistes concrètes pour garantir un accès équitable à une nourriture de qualité, tout en assurant un revenu décent pour les agriculteurs et en respectant les,limites planétaires. Elles invitent à dépasser collectivement les clivages, à prendre conscience des enjeux et à opérer un sursaut démocratique salutaire.

Une indignation légitime

Pertinent et efficace au sortir de la Seconde Guerre mondiale, notre modèle alimentaire est devenu obsolète voire contreproductif et n'apporte plus les bienfaits visés initialement. Il est de surcroît à l'origine de nombreux problèmes environnementaux et sanitaires.
Parmi les injustices qui ont motivé ce travail collectif, les associations rappellent que :
- 8 millions de Français se retrouvent en insécurité alimentaire et au moins 2 millions d'entre eux sont obligés de recourir à l'aide alimentaire selon l'Anses et l'Insee. Un chiffre en constante augmentation depuis plusieurs années.
- +160% de diabétiques en 20 ans (à partir des chiffres de l'Assurance maladie et de l'Inserm). Les pathologies liées à l'alimentation prennent un tournant épidémique, provoquant maladies cardiovasculaires, surpoids et obésité.
- 18% des agriculteurs vivent sous le seuil de pauvreté selon l'Insee, et un nombre croissant de producteurs ne parvient pas à tirer un revenu décent de leur travail. On compte 2 fois plus de risque de suicide chez les agriculteurs que pour le reste de la population.
- Disparition de 30% des oiseaux des champs en 15 ans selon l'Office nationale de la biodiversité, 40 points de collecte d'eau potable fermés chaque année en moyenne en France à cause de nitrates et pesticides mesurés en trop grande quantité (Bilan environnemental de la France, MTE 2023).

Le prix à payer : quand la société passe 2 fois à la caisse

Les consommateurs subissent de plein fouet l'inflation, et l'alimentation est devenue la variable d'ajustement pour beaucoup d'entre eux : en juin 2023, 47% des ménages déclaraient avoir modifié leurs habitudes alimentaires pour cette raison. Dans un contexte d'austérité budgétaire et de polarisation politique en raison de l'augmentation des injustices sociales, le rapport chiffre de façon inédite à la fois les coûts des politiques publiques qui soutiennent notre système alimentaire, et celles censées pallier les impacts négatifs que le secteur génère. Ainsi, en 2021, ce sont 48 milliards d'euros de dépenses publiques qui ont été allouées pour faire tourner notre agriculture et nos infrastructures alimentaires, et 19 milliards de plus qui ont été dépensés pour compenser les effets négatifs de tout le système - dont 12 milliards pour la santé. Des chiffres qui ne représentent que la partie émergée de l'iceberg : le chiffrage des dégâts de ce secteur sur la santé mentale, la perte de biodiversité, ou encore la dégradation des sols étant impossible en l'absence de données existantes, ou non effectué pour des raisons éthiques. Nous avons ainsi décidé de ne pas donner de valeur chiffrée à des éléments qui n'en ont pas, contrairement à d'autres études.

30 pistes d'action

Le montant des financements de soutien au système alimentaire (48 milliards d'euros) est en lui-même une bonne nouvelle et montre l'importance accordée à ce secteur. Toutefois, prendre le problème à la racine impose de revoir l'allocation des différents financements : subventions, exonérations fiscales et sociales, et encouragements à l'industrialisation. C'est une opportunité de revoir notre boussole, en vue de soutenir la production alimentaire comme un investissement collectif.
Pour un changement systémique et des effets pérennes, les 4 associations démontrent que l'on peut agir sur 4 volets dont découlent 30 propositions concrètes, déployables immédiatement aux niveaux national et local, permettant de remettre les territoires au centre de l'action.
Parmi celle-ci, on retrouvera notamment :

  • Alors que se forme le nouveau gouvernement, avoir un pilotage d'ensemble de l'action publique sur le sujet, avec une loi cadre sur le droit à l'alimentation, à mettre en débat.
  • Parce que nous sommes en crise démocratique, il faut remettre la question de l'alimentation dans les mains des citoyens, au niveau national comme dans les territoires, avec des caisses alimentaires locales, en ouvrant les instances agricoles à la société, en donnant du poids accru aux collectivités, etc.
  • En réponse à la crise écologique, il devient urgent de massifier la transition agro-écologique, en soutenant les agriculteurs qui s'engagent dans cette voie, mais aussi en repensant l'organisation du reste de la chaîne pour que ces productions trouvent leur place dans les filières de transformation et de distribution, soient rémunératrices pour les producteurs, et parviennent de manière transparente jusqu'au consommateur.
  • En réponse à la catastrophe sanitaire, il est urgent de réguler la publicité sur l'alimentation en particulier à destination des enfants, et de massifier la transition agroécologique ; ce sont des économies sûres pour le futur.
  • Dans une période budgétaire tendue, il faut évaluer les effets écologiques et sociaux de milliards de soutiens publics, comme les exonérations, pour mieux les utiliser dans une perspective de transition.

Ces différentes mesures ne s'opposent pas mais se complètent. Prises dans leur ensemble, elles permettent de poser les bases d'un nouveau contrat social autour de notre alimentation, au bénéfice de tous.