Un rapport parlementaire décevant, qui ne s'attaque pas aux causes des difficultés en agriculture

Chaque jour, en France, un agriculteur se suicide[i]. Cette réalité est la preuve de l'échec du système agricole industriel encouragé depuis les années 1960 par les politiques publiques françaises et européennes. Pourtant, ce rapport ne propose aucun état des lieux de l'agriculture en France, des difficultés économiques des agriculteurs et des responsabilités dans cette situation.

Dans son rapport, M.Damaisin n'interroge ni le modèle agricole, ni les conditions d'exercice du métier. Il mentionne seulement : « d'éventuels risques structurels inducteurs de conditions de travail difficiles »[ii].Doux euphémisme, alors que certains d'entre eux connaitront de grandes difficultés dès les premières années de leur installation. Il ne renvoie qu'à des responsabilités individuelles, et souhaite voir l'agriculteur « prendre conscience de sa condition de chef d'entreprise »[iii].

Les problématiques concrètes des agriculteurs ne sont pas abordées : rien sur la dématérialisation, l'absence de services publics en milieu rural. Aucune recommandation pour prendre en compte la détresse des membres de la cellule familiale, faciliter le recours aux soins et aux droits sociaux. Rien sur les agriculteurs qui cessent leur activité, ni sur l'accès à la formation professionnelle des agriculteurs en procédure ou plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire. Aucune recommandation non plus pour soutenir le redressement de l'exploitation (durée des échéanciers de paiement MSA, coût des procédures collectives…). Aucune recommandation enfin pour faciliter l'accès aux financements des agriculteurs bénéficiant d'un échéancier de paiement ou d'un plan judiciaire d'apurement du passif.

Le rapport donne un rôle clé aux Chambres d'agriculture, à la MSA et aux cellules d'accompagnement, alors même que ces dernières ne sont toujours pas opérationnelles sur l'ensemble du territoire. Il n'interroge pas la place des créanciers dans ces cellules, alors que la question de la confidentialité au sein de ces cellules pointe le problème de leur composition, et le risque d'un partage d'informations entre créanciers, préjudiciable aux agriculteurs. 

Poursuivant cette logique, le rapport va jusqu'à proposer un fichage des agriculteurs en difficulté, via la création d'un observatoire national (action 9). Cela est absolument intolérable.

Solidarité Paysans salue cependant les recommandations du rapport liées à l'aide au répit et l'accès au service de remplacement en cas d'épuisement professionnel (action 28), ainsi que le rappel du principe de consentement de la personne en difficulté comme « préalable nécessaire pour engager un accompagnement »[iv].
L'accompagnement global et gratuit proposé par Solidarité Paysans est reconnu (action 17). Toutefois, nous sommes outrés par l'idée que le financement des associations locales de notre réseau ne pourrait passer que par un projet local coordonné (action 27). L'accompagnement des agriculteurs fragilisés mis en œuvre par Solidarité Paysans fait ses preuves. Nous devons et voulons garder nos capacités d'initiative, d'indignation et notre indépendance ; ce qui n'empêche pas de travailler en partenariat.

Communiquer positivement sur l'agriculture, comme le souhaite le rapport, c'est ce que font déjà au quotidien tous les réseaux membres d'InPACT porteurs d'une agriculture autonome, résiliente et respectueuse du vivant, mais cela ne réglera pas la question des difficultés en agriculture. Il faudrait surtout interroger le modèle de développement agricole, responsabiliser l'amont et l'aval de la production, et former les futurs paysans à une agriculture plus autonome, respectueuse des Hommes et de la terre.

 

[i] CCMSA, Etude sur l'année 2015, publiée en juillet 2019.

[ii] P.49 du Rapport

[iii] P.46 du Rapport

[iv] P.36 du Rapport